La pagaille des carrières de sable

Cas des carrières de sable de Vassého à Ouidah au Bénin

Lettre ouverte

·      Au Président de la République du Bénin 

·      Au Ministre en charge du cadre de vie et de l’environnement

·      Aux Autorités politico-administratives de Ouidah

C’est avec un réel plaisir que nous, citoyens de Ouidah, avons salué l’alternance politique au Benin en 2016 (avec l’élection d’un digne fils de notre commune comme président), et l’alternance en 2020 à la tête de la ville avec l’installation d’un nouveau maire voulant accélérer le processus de développement amorcé par l’équipe précédente. Nous habitants (acquéreurs et propriétaires terriens) de la zone ci-dessus référencée, venons par la présente :


-    D’une part vous informer de la destruction systématique de notre environnement (cadre de vie) à la faveur de l’exploitation de son sable et ceci en toute impunité,

-    D’autre part exiger votre intervention afin que ces carrières anarchiques et hors normes soient enfin et définitivement fermées pour le bien de tous.

Historique et Diagnostic

La toute première carrière de sable des lieux a été ouverte en l’an 2001 par l’entreprise SATOM qui prit soin d’agir selon les normes règlementaires (elle a fait des fouilles d’à peine 1,50 mètres de profondeur). C’est depuis lors que des exploitants se sont rués sur notre belle zone, sans doute le plus beau des nouveaux quartiers de Ouidah (de par la qualité de son joli sable blanchâtre, de par la qualité de son éblouissant couvert végétal et à cause de la pureté de l’air qu’on y respire) pour en faire des carrières. 2002 à 2020, cela fait bientôt 20 ans d’extraction de sable dans ce village (quartier) qui se situe à peine à environs 1 km de la RNIE Bénin-Togo et à peine à 5 km des locaux du 4ème arrondissement de la commune de Ouidah et du musée historique de Ouidah (le fort portugais) qui sont aussi loin d’être à l’abri.

Aucune norme environnementale n’est respectée en ce qui concerne lesdites carrières de Vassého ; la plus grande profondeur de fouille autorisée officiellement par les textes étant 1,75m ; mais c’est carrément des puits qui sont forés à l’aide des machines (pelles mécaniques) sur les sites. Parfois les premiers exploitants qui ont déjà abandonné leurs sites après exploitation les revendent encore à d’autres personnes qui viennent prendre la relève pour en poursuivre l’exploitation ; ou bien ce sont les premiers exploitants même qui débarquent avec des engins lourds pour détruire tout sur leur passage.

Résultats

Au lieu de carrières normales ce sont des lacs et des marécages artificiels qu’on nous laisse (par endroits les trous peuvent aller à 5 mètres ou plus de profondeur. En résumé voilà de quoi il s’agit. Subséquemment, nous riverains de cette zone, d’abord en tant que simples citoyens, sommes inquiets et très soucieux de la destruction éhontée de l’environnement dans cette zone phare de la belle cité historique et touristique de Ouidah, hypothéquant dare-dare et de fait son développement.

Ensuite, nous sommes très inquiets et très soucieux parce que déjà :

1- Nos enfants et surtout les élèves désertent les classes pour venir nager dans ces fosses dites carrières à leurs risques et périls.

2- Pendant que l’état central s’échine pour investir chaque année des millions de francs dans la distribution des moustiquaires en vue de prévenir quelque peu le paludisme, ces trous sont de véritables centres de production et des couveuses de larves d’anophèles.

3- Le pire qui menace que nous craignons actuellement est qu’à la suite de quelques pluies diluviennes, un glissement de terrain comme ce fût récemment le cas en Côte d’Ivoire ne vienne emporter nos habitations, nos biens, nos vies et nos familles. Aussi voudriez-vous accepter notre témérité citoyenne à attirer votre attention sur un certain nombre de points.

Les exploitants dans certaines circonstances semblent si solidaires qu’on pourrait même parler de ‘’la mafia des exploitants de carrière ’’. L’exploitation de carrière consiste à trouver des terres, et de les acquérir souvent à vil prix, sans préciser l'usage envisagé, (même s’il faut briser les liens de familles, diviser les collectivités en s’appuyant sur quelques délinquants affamés de ces familles), ensuite fouiller le sol et vendre le sable. Le gain d’argent y semble donc très facile.

Malgré ce passé lugubre, nous avons continué de nous mobiliser, de façon quelque peu volontariste. Mais globalement la conclusion que nous pouvons dégager de nos contacts avec quelques personnes ressources est qu’officiellement personne ne se serait jamais plaint des nuisances, des psychoses et du risque très stressant de voir s’effondrer un beau matin nos maisons et nos vies.

C’est sous l’ère du Maire Sévérin ADJOVI qui, visiblement voulait bien entendre raison pour mettre fin aux activités des exploitants indélicats, que le ministre des mines d’alors, Barthelemy Kassa vint sur le terrain et déclara en montrant du doigt les exploitants et chargeurs : « Vous voyez, les gens doivent manger » sabotant ainsi officiellement au vu et au su de tous les luttes légitimes des populations en détresse.

« Sous les coups de pelle des exploitants de carrière de sable notre village semble déjà mort ; mais pire c’est la grande cité historique de Ouidah qui se meurt à grands pas. Par amour de Dieu et de la patrie et au nom de nos ancêtres et de leurs mânes, sauvons Ouidah ! »

La mairie perçoit légitimement des taxes sur le passage des camions transportant du sable. Mais face aux dégâts significatifs causés par cette exploitation du sol, la mairie a-t-elle jamais commandité une étude pédologique, géologique, environnementale ou quelconque sur l’impact de cette activité sur sa survie et son développement à long terme ?

Après les carrières, que deviendra la commune de Ouidah ? A quoi servirait-il à notre commune de gagner quelques millions de francs et de perdre son âme ? Pourquoi devons-nous détruire le sol de Ouidah pour aller bâtir d’autres villes, et sans aucune contrepartie substantielle ?

Si nous avons bonne mémoire, c’est plutôt pour éviter la destruction de la baie marine et l’avancée de la mer à l’intérieure des terres que d’abord cette même Mairie de Ouidah et l’État central ont pris il y a quelques années la décision radicale et responsable de supprimer l’exploitation du sable marin. Dès lors, n’est-il pas complètement absurde que la côte qui est visée par cet acte de préservation soit aujourd’hui détruite impunément de l’intérieur vers la mer au nom des carrières de sable ? Des trous, des marécages et des lacs artificiels sont produits à la sauvette chaque jour dans une ville côtière comme Ouidah, qui peut à tout moment souffrir des débordements des eaux marines sous l’effet du réchauffement climatique.

D’après nous, la responsabilité des autorités est assez lourde. En effet quand on parle de la commune de Ouidah c’est surtout la ville de Ouidah qui est indexée. Ville historique, ‘’port dahoméen d’esclavage’’. Ouidah est un patrimoine universel pour toute l’humanité. Cela est si vrai que l’on ne peut jamais, ni écrire, ni dire la vraie histoire du monde, des peuples noirs, du Dahomey (aujourd’hui Bénin) et faire abstraction de la ville de Ouidah. Des centaines de millions de noirs de par le monde entier (Américains, Brésiliens, Antillais, Jamaïcains, Martiniquais, Guadeloupéens, etc.) rêvent d’y retourner un jour, ne serait-ce qu’en tant que touristes. Que voulons-nous donc leur réserver ? Les trous que des individus y auraient fabriqués par ignorance ou par cupidité ?

Vos candidatures placées sous le signe de la rupture, pour nous sont loin d’être un effet de hasard. Nous voulons trouver en vous nos messies, venus pour sortir enfin Ouidah de l’ornière qui l’a engloutie jusqu’à présent. En tout cas sachez que à qui il a été beaucoup donné, il sera toujours beaucoup demandé ! A vous il a été donné d’être les représentants communaux et locaux du gouvernement de la rupture. En effet, c’est pour une première fois de l’histoire qu’un gouvernement de notre pays (celui de notre frère Patrice Guillaume Athanase TALON) affiche de grandes ambitions pour le développement de la Commune de Ouidah. Comprenez davantage, même si vous le saviez, que vous suscitez beaucoup d’espoir pour aller de l’avant. Or toute tentative de destruction de l’environnement, ne peut qu’être négatrice de progrès et doit être jugée comme telle.


Notre plaidoyer

Nous attendons expressément de votre excellence et de votre honorable mandature l’arrêt immédiat et inconditionnel de toutes activités d’exploitation de sable continental dans la commune de Ouidah, à commencer par le quartier Vassého. 

En effet, après 20 (vingt) ans d’oppression, de nuisance et de stress de la part des exploitants de carrières de sable dans notre quartier, il ne reste plus aujourd’hui que les fosses et autres couveuses d’anophèles. Il a fallu par exemple que nous nous organisions entre temps pour vendre localement des tickets de 500F aujourd’hui supervisés par ADEVA (Association de Développement de Vassého) pour l’entretien de la seule desserte qui connecte le quartier à la RNIE. Les camions endommagent la voie sans se soucier de sa maintenance. Nous exigions d’eux par votre intermédiaire qu’ils s’investissent financièrement pour nous amener de l’électricité, ne serait-ce qu’à titre de dédommagement ou de contribution visible au développement de la localité. Quelques poteaux de la SBEE sont mis en place depuis deux ans mais sont sans fils électriques pour donner accès à l’énergie conventionnelle. Cela étant, nous tenons à souligner que si notre calvaire de 20 ans nous est déjà si insupportable, il y a aussi dans la commune de Ouidah des carrières qui ont déjà plus de 30 à 40 ans environs, laissant comme héritage, les mêmes blessures, les mêmes désolations aux populations ; d’où notre cri de cœur : « La belle cité historique et touristique de Ouidah, la commune de Ouidah meurt. Sauvons-la !»

Quelques suggestions

Dans la lancée du Programme d’Action du Gouvernement (PAG), la commune de Ouidah doit œuvrer tout de suite pour une urbanisation moderne, et définir un modèle identitaire pour le futur.

En remplacement de l’exploitation du sable continental dans la commune de Ouidah, la mairie devrait assister les exploitants autorisés et enregistrés en bonne et due forme, à se mettre en coopératives (ou consortium) pour le dragage de nos lacs, lagunes et autres marécages qui existent en nombre important dans la commune et dans le pays. C’est-à-dire qu’au lieu de creuser des trous partout, l’approche gagnant-gagnant consisterait à draguer nos multitudes de cours d’eau dont le lit est rempli de sable et dont la navigabilité et l’utilisation deviennent problématiques. 

Résultats attendus

  • Il y a suffisamment de sable pour toutes fins utiles et pour satisfaire les besoins des exploitants, des acteurs BTP et des populations et institutions qui commanditent les travaux de constructions.
  • Les cours d’eaux de Ouidah et du Benin deviennent navigables (création de voies fluviales que pourront naviguer les bateaux de plaisance pour le tourisme.
  • Le développement des villages lacustres ou enclavés devient une réalité.
  • Le développement des sports aquatiques devient une réalité.
  • Les plans d’eau dragués seront plus prolifiques en poissons, crustacés et autres produits lacustres.
  • L’agriculture irriguée devient plus facile et est mieux structurée (cultures maraichères par exemple) d’après les besoins des marchés. D’ailleurs cela sera très important avec les hôtels en instance de création dans le cadre des projets de la marina et de la route des pêches.
  • Des exploitations piscicoles modernes sont développées. C’est triste que dans une commune aussi irriguée que Ouidah, les populations demeurent très asservies aux importations de produits congelés.
  • Une gestion saine et contrôlée des mines, ressources et de l’environnement, le tout soutenu par une ambition patriotique ; sera garant de postérité, de modernité, de sécurité et de justice sociale.

Quelques Atouts de la Commune de Ouidah

La commune de Ouidah s’étend sur une superficie de 364 km2. Pahou qui en fait partie, s’affiche déjà comme une des principales banlieues de Cotonou, la capitale économique du Benin. Cotonou tend déjà vers un surpeuplement et une saturation. Fuyant le stress de la semaine de travail, les habitants de Cotonou ont de plus en plus tendance à l’exode pour une quête de repos et de détente pendant les weekends. D’autres personnes y vivent carrément et font la navette quotidiennement. Ouidah est historique, touristique et un port d’embarquement des esclaves et depuis toujours un centre d’attention et d’attraction psychique pour tous les afro-descendants de la diaspora mondiale. Il y a aussi pas mal de cadres béninois exilés depuis des lustres et dont beaucoup sont des ressortissants de la commune de Ouidah qui souhaiteraient certainement renouer avec leurs origines.

Enfin la commune de Ouidah jouit exclusivement de la proximité de trois aéroports internationaux à savoir :

·      L’Aéroport International Cardinal Bernardin Gantin de Cotonou

·      L’Aéroport International de Glo-Djigbé et

·      L’Aéroport International de Lomé

Pourquoi donc hypothéquer notre avenir ? Il est enfin temps que nous choisissions honnêtement notre camp. Ou bien nous sommes avec la Mafia des exploitants de carrière, ou bien nous sommes pour la survie et la prospérité de la commune de Ouidah et du Bénin qui se révèle au monde.

Ouidah, Juillet 2020 Les citoyens du quartier de Vassého à Ouidah. | Benin du Futur

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